Voyages, voyages,

Il y a ces consultations douces, qu'on aimerait laisser durer. Parfois, on ne fait pas vraiment de médecine, c'était un peu le cas mais dans toute cette agitation liée à la pandémie, aux vaccins, c'est doux, de ne pas absorber encore du stress et de l'anxiété. Aujourd'hui, il y a eu ce patient, que je suis depuis quelques temps, vu en urgence. Il s'est excusé plusieurs fois de me prendre du temps "précieux, en ce moment". Rien de grave, de l'épuisement lié au travail. Lui comme sa femme cumulent deux emplois, ils travaillent dur pour payer les études de leur fille unique, qui cumule deux licences. Leurs problèmes de santé sont ceux des travailleurs, les mains usées, les articulations rouillées, mais de l'énergie à revendre, une générosité incroyable. Il m'a raconté les petits boulots, le surmenage, la nécessité de continuer pour le moment, mais le besoin de stopper pour récupérer. Alors on va stopper, le temps qu'il faudra, pour pouvoir reprendre ce rythme imposé par les nécessités financières du quotidien. Et puis, il m'a raconté, les différences entre le Portugal et la France, pour les soins, les études, la retraite, la vie. La chance d'être en France. Et c'est vrai que parfois, on oublie. D'un coup, ça remet en place nos idées sur nos privilèges d'avoir cette sécurité sociale. En se racontant, il m'a fait voyager. Le temps d'une consultation, j'ai tendu les vagues de l'Océan, senti le vent frais sur le scooter au bord de l'eau, goûté de nouveau aux Pasteis tout juste sorties du four, observé la faience et l'agitation du marché. L'espace d'un instant, j'ai voyagé à Porto.

Commentaires